Nadège Gomez se souvient du moment où son mari lui a coupé ses longs cheveux bruns avant qu’ils ne tombent. Elle raconte les fous rires partagés pendant ce moment clé loin d’être un mauvais souvenir : « Je crois qu’il a essayé toutes les coupes possibles, du mi-long à un carré improbable jusqu’à la tonte. Nous avons été très complices et cela m’a beaucoup aidée ». Son mari, Jean-Pascal, fut son indéfectible pilier. « Je n’ai jamais vu mon épouse comme une malade. Elle est ma femme avant tout, qu’elle ait des cheveux ou pas, des cils ou pas. La maladie est un aléa de la vie parmi tant d’autres », dit-il, philosophe.
Une manière de penser qui a aidé Nadège à combattre son lymphome folliculaire, diagnostiqué en novembre 2020. Ce cancer du sang touche les lymphocytes B, les globules blancs défenseurs du système immunitaire. Le lymphome folliculaire représente 22 % des cas de lymphome, mais rares sont les femmes de 40 ans à être atteintes de ce cancer qui met des années à se développer, insidieusement. Il peut être diagnostiqué à un stade localisé et asymptomatique, ou à un stade plus avancé, avec des symptômes (stades III et IV). Ce fut le cas du lymphome de Nadège, découvert au stade IV, dit « étendu ».
J’ai été très entourée, par mon homme avant tout,
Nadège Gomez
mais aussi par ma mère, mes sœurs et les soignants.
Merci, chère pharmacienne !
Nadège découvre sa maladie par hasard. Sportive, elle pratique la course à pied, la voile, le paddle et la moto. Elle se rend rarement chez son médecin traitant. Pendant l’été 2020, elle est gênée par une douleur au ventre depuis plusieurs semaines. « Je suis allée voir ma pharmacienne pour prendre des probiotiques, mais elle a refusé. Elle m’a conseillé de consulter mon médecin traitant », confie Nadège. C’était en août 2020. Ce dernier lui prescrit une échographie abdominale, au cours de laquelle des ganglions sont immédiatement repérés. S’ensuivent un scanner, puis le Tep scan. « Je brille de partout, une véritable guirlande de Noël, raconte-t-elle. Tous les ganglions de mon corps sont touchés, ainsi que la rate, la moelle osseuse, l’os de mon fémur droit et une partie de ma peau. » L’annonce du cancer du sang tombe en octobre 2020. « Je ne comprends pas ce que l’on me dit. Je n’intègre pas tout de suite qu’un lymphome, c’est un cancer. Heureusement, mon mari est là. Lui, il a compris. Il me soutient », ajoute Nadège.
Je n’ai jamais vu ma femme comme une malade.
Jean-Pascal Gomez
Elle restait ma femme, avec ou sans cheveux.
Son traitement comprend des séances de chimiothérapie couplées à de l’immunothérapie (obinutuzumab). Avant chaque retour à l’hôpital pour les jours de chimio, elle profite de la visite de sa mère comme d’une bulle de douceur. « Elle mettait un point d’honneur à me rendre visite avant chaque séance. Mon père ne pouvait pas être présent car il est retourné vivre en Espagne, mais il me soutenait aussi, à sa manière. » Quant aux membres de l’équipe soignante, Nadège se souvient de leur gentillesse et de leurs sourires derrière les masques, Covid oblige à l’hiver 2020.
Après un cancer, la qualité de vie peut être altérée
Dr Christophe Nicol
avec des troubles de la mémoire et de la concentration.
Séquelles handicapantes
Après dix-huit mois de traitement, Nadège veut de nouveau croquer la vie à pleines dents : reprendre les activités sportives, les sorties, le travail. Nous sommes en juin 2022. « Je voulais retourner travailler alors que mon médecin traitant me l’avait déconseillé. J’avais un poste à l’accueil où j’étais toute la journée debout, en interaction avec le public. Ce fut une journée atroce, j’étais exténuée ! », se remémore Nadège. Elle doit se rendre à l’évidence : elle ne pourra pas reprendre son activité professionnelle. Une frustration d’autant plus grande qu’elle devait évoluer dans l’entreprise avant la maladie. Mais depuis son lymphome folliculaire, Nadège doit composer avec une fatigue chronique et des troubles de la concentration. « Après un lymphome, la qualité de vie peut être altérée avec une fatigue persistante, des troubles de la mémoire et de la concentration, même si on connaît mal les mécanismes qui entrent en jeu », explique le Dr Christophe Nicol, hématologue au Centre hospitalier des Pays de Morlaix (29), qui a suivi Nadège. En parler à son médecin traitant, à l’équipe soignante de l’hôpital, revoir celle dédiée à l’accompagnement du cancer (infirmière, psychologue…) ou les spécialistes de l’activité physique adaptée peut aider. Des soignants que Nadège sera amenée à recroiser car le lymphome folliculaire, même traité une première fois avec succès, ne part jamais vraiment de l’organisme. Il reste en sommeil avant de se manifester à nouveau. C’est d’ailleurs la raison du titre de son livre, où elle parle du « combat » de sa vie, « avec un sursis ». Un sursis qu’elle ne compte pas subir, ce serait mal connaître sa force de caractère, point commun qu’elle partage avec son mari. Ils ont pris le parti de vivre chaque moment à fond autant que possible. D’ailleurs, petite victoire de Nadège et pas des moindres : elle a repris la moto l’été dernier !
En savoir plus
Un beau combat pour la vie… même pour un sursis, Nadège Gomez, papier et e-book, septembre 2022.
_ Ça m’a aidée _
Nadège nous raconte les petites choses du quotidien qui l’ont aidée à mieux supporter la maladie.
Quand on est malade, la fatigue contraint et isole
Nadège Gomez
mais il y a toujours de la place pour des petits plaisirs.
La présence de mon mari
Il a été là à chaque instant : au diagnostic, pendant les traitements, dans les bons et les mauvais moments. Il me faisait rire quand cela n’allait pas. Il m’a donné de la force. Il m’a appris à accepter d’avoir besoin des autres.
La moto
J’ai pu reprendre la moto malgré ma chambre implantable (une chute sur cette dernière pourrait être dangereuse) ! On a demandé à l’oncologue, il a dit oui. Quelle joie ! Je pratiquais beaucoup cette activité avant le lymphome. Retrouver ces sensations est un grand plaisir.
La marche
Je marche deux fois par semaine. Avec la maladie et les traitements, les muscles fondent très vite. Je suis suivie par un médecin du sport de l’hôpital. Il m’a dit que les muscles ont une mémoire, qu’ils vont revenir, qu’il faut juste être patiente.
L’écoute de mon corps
C’est l’une des leçons que j’ai apprises avec la maladie. Cela ne sert à rien de se fixer des objectifs que l’on ne pourra pas tenir à cause de la fatigue, par exemple. Il faut se dire qu’aujourd’hui, ce n’est pas possible, car le corps ne peut pas, mais que demain est un autre jour.
Ma page Facebook/Mon livre
Au début, je tenais une page Facebook où je partageais mon quotidien, je me confiais, je racontais tout, mes peurs, mes doutes, mes espoirs… Cela m’a permis de mettre des mots sur mon cancer, sur mes traitements et les effets secondaires. J’ai tout réuni dans un livre, très complet, qui raconte mon parcours.