Lorsqu’elle s’expatrie à Toulouse en 2005 pour suivre son mari, Sonia, originaire du Paraguay, petit pays au sud du Brésil, a une image d’Épinal de la France. En s’orientant vers les métiers du soin à la personne (d’abord comme aide à domicile, puis auxiliaire de vie en maison de retraite et aide-soignante en soins palliatifs à l’hôpital), elle n’imagine pas la dure réalité de nos soignants. « Ils sont bien trop souvent oubliés, dénigrés et mal payés », s’insurge-t-elle. Ce qui la choque le plus, dans sa spécialité, c’est la façon dont on traite les anciens : « Leurs enfants sont nombreux à les abandonner, là où, dans mon pays d’origine, on leur accorde beaucoup d’importance », explique-t-elle.
En 2017, une nouvelle va faire basculer sa vie dans le camp des patients. Elle a 49 ans lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du col de l’utérus. Dans la froideur du cabinet gynécologique où elle a rendez-vous, son médecin lui lâche le diagnostic telle une bombe. « Il n’a pas pris de pincettes, je suis restée sous le choc. Puis il m’a demandé de revenir plus tard pour des examens complémentaires, sans aucune explication », se souvient-elle.
Ce manque d’accompagnement, elle l’expérimentera au tout début de son parcours de soins. « À l’hôpital, personne n’a pris le temps de m’expliquer les traitements, ni leurs effets secondaires, raconte-t-elle. Pas même les infirmières, me rappelant sans cesse qu’elles n’étaient pas médecins. Je ne savais même pas que je pouvais demander une prise en charge à 100 % auprès de la Sécurité sociale ! J’ai dû puiser dans mes économies. ».
Heureusement, Sonia finit par obtenir une prise en charge et le protocole de soins se met en marche : on lui programme une chirurgie, sept séances de chimiothérapie et trente-trois séances de radiothérapie. « J’ai été suivie par un oncologue très compétent qui a enfin pris la peine de m’expliquer ce qui m’arrivait. J’ai même été suivie par une diététicienne, ajoute-t-elle. En revanche, j’ai dû réclamer un suivi psychologique, mais impossible d’obtenir un rendez-vous rapidement, tant la liste d’attente est longue. »
Le livre de Sonia en autoédition, dans lequel elle évoque son expérience du système en tant qu’aide-soignante.
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« J’étais rassurée de voir mon infirmière débarquer à la maison régulièrement pour mes soins, car j’en profitais pour partager avec elle mes doutes et mes peurs. »
Sonia Goubet
Le précieux soutien des proches
Pleine de vie malgré la maladie, Sonia ne se laisse pas abattre. Jean-Luc, son mari, fait tout pour lui remonter le moral, même s’il n’est pas très présent. « À l’époque, je travaillais de nuit comme réceptionniste dans un hôtel. Mon patron était intransigeant sur les horaires et menaçait de me renvoyer si je prenais ne fût-ce qu’un jour de congé pour accompagner ma femme à l’hôpital », se souvient-il. Très seule physiquement, mais moralement soutenue par son mari et ses deux enfants, qui font alors leurs études à Paris, Sonia tient le cap et compte bien s’en sortir. Pour les besoins de son traitement, elle doit faire appel à une infirmière à domicile. Elle se tourne naturellement vers une ancienne collègue, avec qui elle a bravé les épreuves lorsqu’elle était auxiliaire de vie en maison de retraite, devenue sa meilleure amie par la force des choses. « J’étais rassurée de la voir débarquer à la maison régulièrement pour mes soins, car j’en profitais pour partager avec elle mes doutes et mes peurs », raconte-t-elle. Un lien humain indispensable à sa guérison. « C’est grâce à elle que j’ai pu m’y retrouver dans les méandres de l’administration, notamment », ajoute-t-elle.
« C’est grâce à Arlette que j’ai pu m’y retrouver dans les méandres de l’administration, notamment. »
Sonia Goubet
Aider ceux qui souffrent
Quelques mois seulement après le début de ses traitements, Sonia apprend qu’elle est en rémission. La fatigue et la perte de poids n’ont en rien entamé sa volonté de croquer la vie. Elle retourne au travail aider les personnes qui sont dans le besoin. Elle s’y battra avec la même force contre les injustices et les absurdités du système. Elle n’hésitera pas à faire front devant ses supérieurs pour se faire respecter et faire respecter ceux qui souffrent. En 2020, elle publiera même un livre en autoédition, dans lequel elle évoque son expérience du système en tant qu’aide-soignante. « Un message d’espoir pour tous ceux qui vivent la même chose que moi », conclut-elle.
À lire
Moi, Sonia, aide-soignante, Sonia Duré de Goubet, autoédition, 2020.
_ Ça m’a aidée _
Sonia nous raconte les petites choses du quotidien qui l’ont aidée à mieux supporter la maladie.
« Malade, j’ai compris que la vie était courte et qu’il fallait profiter de ses proches. »
Sonia Goubet
Écrire
Pendant ma maladie, j’étais tellement abasourdie par les failles du système de santé, que j’ai décidé d’écrire sur ce que je vivais. Un jour, j’ai eu l’idée d’en faire un livre, pour aider les gens à y voir plus clair. J’ai espoir que mon témoignage fasse bouger les lignes et permette aux malades de mieux avancer sur le chemin de la guérison.
Parler
Mes proches ont joué un grand rôle dans ma guérison. Le simple fait de pouvoir leur parler de la maladie, sans tabou, m’a aidée à surmonter l’épreuve. Même s’ils n’étaient pas présents physiquement, j’ai senti que j’étais soutenue moralement. Ça m’a donné la force de me battre contre mon cancer.
Travailler
Reprendre le travail rapidement après mes traitements m’a fait du bien. Si je n’ai pas retrouvé le poste que j’avais quitté, j’ai pu faire des vacations et, progressivement, retrouver un temps plein. Le simple fait d’aider les autres m’a remise dans une vie normale. Maintenant, j’informe beaucoup les patients sur leurs droits. Une nouvelle façon de les accompagner.