Il est des cadeaux d’anniversaire dont on se passe-rait bien… Celui que reçoit Yannick Provost, le jour de ses 49 ans, appartient définitivement à cette catégorie.
Il s’agit d’un diagnostic de cancer ; un lymphome non hodgkinien au stade 4, donc agressif. Découverte fortuitement lors d’un contrôle en juillet 2018, la maladie fait irruption dans la vie de Yannick, comme un triste écho aux cancers très présents dans sa famille. « Ayant été moi-même aidant, je savais à quoi m’attendre, raconte-t-il. J’ai aussitôt chaussé les gants pour monter sur le ring et adopter une posture de guerrier. »
Derrière ce langage imagé, Yannick, lecteur féru de romans noirs et lui-même auteur, ne lâche pas le stylo, y compris pendant les dures séances de chimiothérapie qui suivent : « Même avec la douleur et la fatigue, j’avais besoin d’écrire comme je l’ai toujours fait pour transmettre, laisser une trace ». Commencé rapidement, le traitement est lourd et entraîne une perte de poids importante et une fatigue intense.
Le cancer a resserré mes liens avec ma famille.
Après une brève rémission, c’est la rechute, en février 2019. « Un coup de semonce encore plus violent car je savais par quoi je devais repasser, et mes proches avec », analyse-t-il. L’entourage de Yannick est un soutien inconditionnel qui lui est précieux, surtout en pleine pandémie. « Étant immunodéprimé, je ne devais surtout pas contracter la Covid-19, explique-t-il. Pour éviter cette situation, qui faisait d’ailleurs très peur à mon fils lycéen, ma femme a monté une véritable cellule de sécurité autour de moi. Elle et mes enfants ont été remarquables. » Si la famille est solide, resserrée autour de Yannick, les amitiés sont, elles, plus inégalement mobilisées à ses côtés.
Il peut néanmoins compter sur ses « petites sœurs de cœur », deux amies qui, elles aussi, ont fait l’expérience du cancer. Un autre sou-tien se révèle essentiel : celui de son chien, Jazzy, un Cavalier King Charles qui va jusqu’à sauver la vie de son maître quand, à bout de force, Yannick perd connaissance, seul chez lui.
Après un cancer, on peut être en décalage avec ses aspirations et
ses ambitions passées.
La récidive est violente, tant sur le plan physique – les chimios s’enchaînant avec les transfusions sanguines – que psychologique. Les peurs et les difficultés relationnelles nourrissent les séances de Yannick avec le psychologue de l’hôpital. « Après les rechutes, les traitements ont fini par fonctionner et je suis maintenant en rémission mais, une fois que tout a été terminé, j’ai ressenti un senti-ment d’abandon, d’isolement, car rien n’est fait pour nous préparer, nous, malades, à l’après-cancer », raconte-t-il. Au moment de reprendre son travail au sein d’une grande entreprise, celui qui se considère comme rescapé ne trouve pas, auprès de son employeur, le même soutien qu’il avait pu recevoir de ses proches. Il se souvient : « Un an après, mon poste ne m’avait pas attendu et, même si on ne me le disait pas, j’ai eu le sentiment de faire peur aux gens ».
La maladie m’a appris que la vie est une chance pour laquelle il faut se battre.
Transformé par son expérience du cancer, Yannick, devenu plus tolérant et attentif aux autres, se réinvente sur le plan professionnel. « Autour des questions de diversité et d’inclusion, précise-t-il, je pense que l’entreprise a un gros travail à faire pour mieux réintégrer les salariés après un long arrêt maladie. Personnellement, j’aurais aimé que mon employeur maintienne le lien quand j’étais malade, même simplement par SMS. Je milite aussi pour que l’entretien de liaison avant la reprise soit généralisé. » En parallèle de cette nouvelle mission, Yannick continue d’écrire sans attendre car le temps – il le sait, désormais –, est une denrée précieuse.
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Témoignage
« Quand j’ai compris la gravité du cancer de Yannick, je me suis dit que nous allions mener ce combat ensemble. Très rapidement apathique à cause des traitements, Yannick n’était plus en état de faire quoi que ce soit dans la maison, alors je me suis chargée de toute l’intendance. Je lui ai laissé deux tâches – les impôts et la banque – pour qu’il ne se sente pas complètement inutile. C’était parfois très dur, mais je n’affichais rien devant lui. Quelques échappées avec mes amies et un employeur compréhensif m’ont aidée à tenir. Aujourd’hui, j’ai retrouvé mon Yannick, grognon comme avant. Mais c’est bon signe ; quand il râle, c’est qu’il va bien. »
Sarah, son épouse
_ Ça m’a aidé _
Face à la fatigue et aux angoisses, Yannick a su mobiliser quelques à-côtés qui l’ont aidé à traverser le cancer.
Gérer les rechutes demande de puiser dans ses ressources physiques et morales.
L’écriture, encore et toujours
J’écrivais déjà avant mon cancer et je n’ai pas cessé pendant cette épreuve. L’écriture me remet les idées en place et me procure beaucoup de plaisir. C’est aujourd’hui ma deuxième vie, et je me suis fixé pour objectif de réaliser un livre par an.
Une chanson de Queen
« Don’t stop me now » (en Français : « Ne m’arrête pas maintenant »), chanté à tue-tête par-dessus la voix de Freddie Mercury, c’était ma bouffée d’énergie !
Mon chien, Jazzy / Jazzy The Dog
Mon Cavalier King Charles a joué un grand rôle dans ma guérison. C’est grâce à lui que je me suis promené chaque jour, lui qui a veillé sur moi jusqu’à me réveiller quand je m’évanouissais. C’est donc tout naturellement à travers ses yeux que j’ai choisi de raconter mon histoire dans mon dernier roman ; une façon, pour moi, de lui rendre hommage et de prendre du recul sur ma situation*. Le tout, sans pathos.
* La rédaction a appris le décès de son chien, peu de temps après avoir interviewé son maître.
Des romans noirs… pour y voir plus clair
J’ai toujours aimé les romans noirs, qui apportent en général un éclairage intéressant sur les grands troubles de notre société. J’ai la chance de compter parmi mes amis des auteurs qui s’illustrent dans ce genre littéraire – Ian Manook, Ophélie Cohen… – et qui m’ont abreuvé de livres pendant mes traitements.