Ligués contre le cancer

25e anniversaire des 1ers États généraux de la Ligue contre le cancer

Un tournant historique dans le combat contre le cancer

Les premiers États généraux des personnes malades du cancer ont contribué à transformer l’image associée à la maladie, faisant évoluer toute la société sur ce sujet. Témoins directs de cette dynamique,
le professeur Henri Pujol, alors président de la Ligue et Pascale Briand, qui a piloté la mise en œuvre du premier Plan cancer (2003-2007), reviennent sur cette date historique et ses retombées

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18/12/2024

En 1998, comment avez-vous organisé les premiers États généraux des malades du cancer ?

Henri Pujol : Un an avant, nous avons recueilli, dans de nombreux départements, la parole des personnes qui souffraient de ce que l’on appelait alors « une longue maladie », une appellation que beaucoup considéraient d’ailleurs comme un manque de respect. Ces personnes nous ont fait part de leur besoin d’être informées, regardées et considérées autrement, pas seulement sur le plan médical mais aussi sur le plan humain. En organisant ces États généraux, la Ligue a voulu donner la parole à ces personnes afin qu’elles portent elles-mêmes leurs messages et leurs besoins. Le tout, dans un climat de confiance et de co-construction avec les soignants.

En réunissant 1 500 participants à Paris, l’événement a été très médiatisé et il a eu un impact très important dans le monde médical mais aussi dans la société. Comme l’a dit Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État chargé de la Santé (et auteur de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé), « les choses ne seront jamais plus comme avant ».

Quelles réalisations majeures sont nées de ces États généraux ?

H. P. : Cette initiative ne s’est pas contentée d’être un amplificateur de la voix des malades, c’est aussi un véritable accélérateur du changement. Les personnes malades présentes – parmi lesquelles de nombreuses femmes – se sont mises au travail pour élaborer un livre blanc fondateur(1). Héritier direct des États généraux, le premier Plan cancer a été annoncé par le président Jacques Chirac en mars 2003. Il a marqué la prise en compte de l’importance de la prévention et du dépistage. Il y a eu aussi la création de la consultation d’annonce pour que les personnes cessent d’entrer en maladie de façon inadéquate et humiliante. Les questions de l’après-cancer ont également émergé, donnant naissance, plus tard, au droit à l’oubli pour que les anciens malades puissent accéder à un prêt bancaire.

Ces États généraux ont été un véritable accélérateur du changement.

Qu’est-ce que cela a changé pour la Ligue ?

H. P. : En choisissant l’association comme porte-parole de leurs attentes, les patients nous ont donné leur confiance. Je crois que la Ligue est alors devenue une véritable ONG, une organisation combattante et légitime aux yeux du grand public, mais aussi des politiques.

(1) Cinq thématiques étaient abordées dans ce livre blanc : information, soutien psychologique, qualité de vie, égalité des soins, lutte contre l’exclusion sociale et économique.

Vingt-cinq ans après, quel souvenir conservez-vous des premiers États généraux des malades du cancer ?

Pascale Briand : Au moment où les traitements contre le cancer connaissaient une évolution très positive, je revois les États généraux comme le déclencheur de cette nécessité d’une prise en charge plus globale intégrant les traitements sur des temps longs, le retour à domicile, la reprise de l’activité professionnelle, les rechutes. La Ligue contre le cancer a facilité le recueil cohérent de ces attentes qui rejoignaient certains messages portés par les professionnels de santé.

Ce mouvement a entraîné un décloisonnement entre les acteurs et les actions avec comme exigence de mieux répondre aux besoins et attentes des patients. Un basculement porteur d’évolutions : le parcours personnalisé de soins coordonné, l’hospitalisation à domicile… La Ligue, via les États généraux, a eu un impact sur le système de santé qui a très largement dépassé la prise en charge des malades.

En tant que déléguée responsable de la mission interministérielle pour la lutte contre le cancer, vous avez piloté la mise en œuvre du premier Plan cancer souhaité par le président Jacques Chirac en 2003. Comment avez-vous mené cette mission ?


P. B. : Pour décliner sur le terrain les orientations qui avaient été décidées en amont, j’ai constitué une petite équipe. Nous avons réuni, sous la présidence des préfets, l’ensemble des acteurs concernés pour faire avancer rapidement le déploiement des actions avec des indicateurs précis d’objectifs à atteindre. Ces interlocuteurs n’avaient pas toujours l’habitude de se parler et a fortiori de modifier les façons de faire en se concertant… C’est ainsi que nous avons pu lancer l’expérimentation de la consultation d’annonce, le déploiement du dépistage du cancer du sein ou encore le renforcement des équipements d’imagerie médicale. La création des Cancéropôles, pour structurer la recherche au niveau régional, puis, en 2004, de l’Institut national du cancer (INCa) ont assuré le long terme.

La Ligue, via les États généraux, a eu un impact sur le système de santé qui a très largement dépassé la prise en charge des malades.

Aujourd’hui, que reste-t-il à faire ?


P. B. : En matière de prévention, rien n’est acquis. Si le premier Plan cancer avait, par exemple, entraîné une diminution du tabagisme par une forte hausse du prix du tabac, ce dernier continue de provoquer une mortalité évitable. Les batailles ne sont jamais gagnées. On le voit avec la vaccination ou encore le dépistage dont il faut toujours rappeler l’importance. Concernant la prise en charge des cancers, les difficultés que traverse notre système de santé nécessitent d’être extrêmement vigilants sur les pertes de chances, mais aussi sur le risque d’altération de cette continuité de prise en charge et d’accompagnement que l’on doit aux États généraux. Il faut veiller à ce que ne se creusent pas des disparités territoriales de prise en charge.