Le 21 novembre 2018, la Ligue, sous la présidence de Jacqueline Godet, lançait les premiers États généraux de la prévention des cancers qui ont abouti à onze propositions phares pour refonder la prévention en France. Revenons sur cet événement majeur avec son organisateur, Franck Chauvin, ancien vice-président de la Ligue contre le cancer.
Quel souvenir gardez-vous de cette manifestation largement relayée dans Vivre n° 380 ?
Franck Chauvin : Je me souviens d’une très grande mobilisation à Paris, au Conseil économique, social et environnemental (CESE), couronnant plusieurs mois de travaux préparatoires, et associant un très grand nombre d’acteurs (experts, société civile, mais aussi plus de 3 000 enfants). Avec, à la clé, des propositions fortes pour refonder la prévention.
Parmi les différentes propositions, seules deux mesures ont, pour le moment, été reprises par les pouvoirs
publics : la généralisation de l’éducation à la santé à l’école ; et la gratuité de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) au collège. Pourquoi est-ce si lent ?
F. C. : Il faut du temps pour qu’une mesure arrive politiquement à son terme. Ces deux-là ont le mérite de s’être concrétisées. Bien sûr, il reste beaucoup à faire en matière de prévention, notamment autour de l’activité physique, de la nutrition, de la lutte contre le tabac et l’alcool… Il faut continuer de porter les messages, même si c’est parfois très compliqué du fait du pouvoir d’influence des lobbies.
Que faut-il faire pour que la prévention soit efficace ?
F. C. : Il faudrait moins s’adresser aux individus qu’aux environnements. Un peu comme pour l’interdiction de fumer dans les lieux publics : on a observé une réduction notable de la consommation de tabac suite à cette mesure. Ce qu’il faut changer, donc, c’est la norme sociale !
En 2012, Vivre publiait votre interview sur quatre pages à propos des dépistages. À l’époque, nous notions que ces derniers faisaient l’objet de polémiques. Qu’en est-il aujourd’hui ?
F. C. : Les polémiques n’ont pas disparu, mais se sont apaisées. Le dépistage organisé du cancer du sein fait aujourd’hui consensus. Pour autant, la participation n’augmente pas. Quant au dépistage organisé du cancer colorectal, il ne suscite pas de polémique, mais ne trouve pas vraiment son public.
Avec la crise sanitaire, les mesures de prévention à large échelle ont été reléguées au second plan (vaccination, dépistage, retard au diagnostic…). Comment changer notre manière de faire de la prévention ?
F. C. : En 2020, nous avons pris conscience du fait que la population française était en mauvaise santé. Les formes graves de la Covid-19 ont été observées chez les personnes qui avaient déjà des pathologies comme le diabète, l’hypertension, l’obésité ou encore le cancer. Autant de maladies qui peuvent souvent être évitables par la prévention. Il y a donc toute une réflexion politique à engager aujourd’hui.