En 1999, votre laboratoire « Apoptose et différenciation » se composait de l’une des premières équipes de recherche labellisées par la Ligue, et Vivre a régulièrement relayé vos travaux. Quel souvenir conservez-vous de cette époque ?
Patrick Mehlen : En 1999, le conseil scientifique de la Ligue contre le cancer a décidé de faire évoluer son mode de financement de la recherche en donnant des moyens importants à des projets d’envergure choisis à l’issue d’un dispositif plus sélectif. À l’époque, j’étais jeune chercheur au CNRS, à Lyon, et j’avais eu la chance de publier dans les meilleures revues scientifiques sur un sujet de niche qui nous a conduits, avec mon équipe, à décrire le concept de récepteurs à dépendance. Présents à la surface de la cellule, ces récepteurs peuvent, dans certains cas, indiquer à la cellule qu’elle doit s’engager dans un processus de mort cellulaire, en d’autres termes « se suicider ».
Concrètement, à quoi ont abouti vos recherches ?
P. M. : Nous savions déjà, bien avant nos recherches, qu’une cellule, quand elle devient cancéreuse, se met à ne plus vouloir mourir, contrairement à une cellule normale, qui est censée mourir après s’être divisée plusieurs fois. En nous appuyant sur notre concept de récepteurs à dépendance, nous avons expliqué pourquoi les cellules cancéreuses refusaient de mourir. Nous avons ensuite développé des candidats-médicaments destinés à permettre aux cellules cancéreuses de se remettre à mourir. L’un de ces médicaments est actuellement évalué dans quinze hôpitaux dans un essai clinique de phase 2 qui inclut environ 200 patients atteints de cancers gynécologiques, du pancréas, du foie et des patients de toutes pathologies résistants à l’immunothérapie. L’idée est ensuite de tester ce médicament auprès d’un grand nombre de malades et de prouver son efficacité pour le commercialiser dans les trois à quatre ans qui viennent.
Avec le recul, que vous a apporté le soutien de la Ligue ?
P. M. : Grâce à ce financement d’environ 100 000 euros par an, j’ai pu structurer et fidéliser une équipe avec une sécurité qui nous permet, depuis vingt-quatre ans, de mener sereinement des recherches plus ambitieuse et d’en développer la visibilité. C’est ce que j’explique aux ligueurs lors des remises de financement : leurs dons nous donnent accès à des conditions de recherche décentes et nous poussent à nous dépasser car nous sommes redevables de ce soutien exceptionnel.
96 équipes de recherche labellisées en 2022.
9,74 millions d’euros distribués aux équipes labellisées en 2022.
282 publications signées par les équipes labellisées en 2022.
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30 millions d’euros en vingt ans
C’est le montant investi par la Ligue dans la recherche et l’amélioration de la prise en charge des enfants, des adolescents et des jeunes adultes touchés par le cancer.
Plus d’un tiers de ce financement a été collecté dans le cadre du partenariat « Tous unis contre le cancer », qui associe la Ligue et le Mouvement E.Leclerc. À côté de projets de recherche essentiels pour mieux connaître et, à terme, mieux traiter les cancers des plus jeunes, cette initiative permet également d’améliorer la vie quotidienne des jeunes patients. À titre d’exemple, trois chambres du service d’hémato-pédiatrie de l’hôpital Jeanne de Flandre (CHU de Lille) ont pu être rénovées fin 2022 grâce à la participation active du Comité du Nord de la Ligue contre le cancer. « Ces chambres n’avaient pas été rénovées depuis l’ouverture du site, en 1997, raconte le docteur Brigitte Nelken, chef du pôle. Tout a été refait : revêtement, mobilier, volets… Sur le plan de la décoration, les frises Oui-Oui ont fait place à un décor végétal beaucoup plus accueillant, notamment pour les ados qui séjournent dans le service. La Ligue est un support non négligeable, pour un hôpital comme le nôtre dont les budgets ne sont pas extensibles, et je trouve aussi que cette association fait évoluer positivement le regard sur le cancer pédiatrique. »